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14 mai 2018 1 14 /05 /mai /2018 17:58

Bonjour, les enfants.

Dans le silence de ma chambre, je vous ai imaginé le troisième volet des confidences de Seznec.

Bonne lecture et n'oubliez pas, c'est de la fiction.

 

 

Arrivé très en retard, à cause des crevaisons, j'ai retrouvé Quéméneur à Rennes, dans l'hôtel, avec des potes en train de prendre un apéro. Je crois qu'il y avait là Roussel, mais c'est qu'un souvenir. On s'est mis dans un coin et on a compté les dollars. 2020, qu'il y en avait. C'était pas mal, quand même. Quéméneur, il était contant et il téléphone aussitôt au type de Paris qui lui a dit aussi de faire refaire le chèque de Pouliquen, une combine pour qu'il puisse toucher le liquide plus facilement. Après, Quéméneur, il me signe , en double , la promesse de vente de Traou Nez. On est allé à la poste envoyer un télégramme. Puis, on a traîné à boire des verres dans un cabaret plutôt sinistre et on s'est couché.

 

Le lendemain, ç'a été un calvaire, comme on dit.

Des pannes et encore des pannes. Des crevaisons et encore des crevaisons. . Oui, je sais,-que je lui ai dit-, c'est ma voiture et j'ai pas fait attention pour qu'elle soit capable de rouler jusqu'à Paris. J'avais déjà dans la tête qu'elle n'était plus à moi, la bagnole, Je l'avais gagée, auprès de Quéméneur. Et puis, on allait la vendre . Faire des frais dessus ? En plus, qu'elle avait jamais bien marché. Pourquoi son cousin Jestin m'avait dit qu'elle irait bien jusqu'à Paris. C'était de sa faute à lui...

 

Le soir, on était à Dreux ou Houdan, j'ai jamais su, quand Quéméneur, il me réveille. C'était lui qui conduisait. Il me dit de voir pour continuer. Lui, il prend le train , pour être sûr d'être à son rendez-vous. Il faut surtout pas le louper. Et puis c'est le dernier train. Non . Continue -Qu'il me dit.- Ou fais demi-tour. Et tu fais réparer la bagnole, par ton type, à Morlaix. De toute façon, je reviens Dimanche en Bretagne, juste un aller et retour. On verra après. Il faut surtout que je donne les 100 000 francs, tu comprends, il faut arrêter le marché. C'est le plus important.

 

La suite ?

La nuit dans la voiture, le froid, la fatigue.

Et la crainte que ça ne marche pas.

Ben oui, quoi . Et si, Quéméneur, il ratait le rendez-vous. Et si l'affaire ne se faisait pas ? Et si, et si et si et encore des si ! Et mes dollars dans tout ça. Je les reverrai ? J'avais peut-être été trop confiant, trop crétin, trop con . Non, allez, j'avais la garantie de Traou Nez. C'était pas perdu, loin de là...

 

Tout ça, ça a tourné das ma tête pendant tout le retour.

Et je ne pouvais pas le joindre, non, aucun moyen de le retrouver pas plus que lui, il aurait pas su ou me m'appeler.

Finalement, je me suis pressé, mais tu parles, avec cette bagnole, se presser.... Mais bon voilà, les réparations, ça a assez bien tenu. Et même les pneus. Au Ponthou, à la fin, j'ai roulé sur les gentes, j'en avais tellement marre.

 

J'arrive à Morlaix, le dimanche , en fin d'après midi.

 

C'est pas la peine que je vous fasse ça dans les sentiments.

 

Ni même dans le détail.

 

Faire simple, ça passera mieux. Parce que je l'ai encore en travers de la gorge. Un boule qui se coince, là. Et une énorme.

 

Bon.

 

Dans la maison, comme le tic-tac d'une horloge, un hoquet régulier. Sur une chaise, Marie Jeanne, immobile, semble incapable de voir, d'entendre. Elle est en chemise de nuit, les cheveux défaits et fixe un infini qui ne me concerne pas. J'ai essayé d'attirer son regard, mais elle ne m'a pas vu . Ses mains se tordaient l'une sur l'autre. Angèle est entrée dans la pièce et elle m'a tout raconté. Quéméneur qui arrive le matin, ses plaisanteries et puis les mots timides et enfin ce hurlement de Marie Jeanne. Elle m'a emmené dans la salle où le corps était étendu dans la raideur d'une mort glacée . Un maigre filet de sang figé sillonnait le front. Les yeux, toujours ouverts, vitreux, s'attachaient à l'espace devant lui, les pieds de la table, les pieds des chaises et le bas d'un mur.

 

J'ai eu l'impression brutale de partager avec lui un froid immense, puis, peu à peu, au contraire, la fièvre m'a pris et, dans ma tête, la course folle de mes idées, de tout ce qui allait suivre. Angèle me répétait -mais c'est un accident-elle ne l'a pas fait exprès- et puis, lui, avec ses mains-...Tout ça , ça m'a fait horriblement mal. Je voyais déjà la prison pour Marie Jeanne, la ruine pour nous, la misère pour les enfants, la honte....

Comme Angèle disait que personne ne l'avait vu entrer, ça elle en était sûre, j'ai eu un sursaut et comme un somnambule, j'ai traîné Pierre . Et l'ai fourré dans la chaudière de la machinerie. Et j'ai bourré le foyer avec des bûches et j'y ai foutu le feu. Toute le nuit, j'ai ajouté des bûches, et encore des bûches pour alimenter ce putain de feu.

 

Angèle avait raccompagné le gamin au collège et réussi à coucher Marie Jeanne dans son lit.

 

A un moment je suis allé cherché Kerné et on a discuté de ce qu'il fallait faire. Kerné, c'était un type très discret, très silencieux. On s' était toujours bien entendu.

 

Il m'a dit qu'il fallait faire croire qu'il était resté à Paris et même qu'il avait continué son voyage ailleurs. Ça se pourrait que tout le monde , il y croirait à ce voyage, c'était déjà arrivé que Quéméneur, il parte longtemps, et qu'on pourrait pousser à cette idée , après tout. Mais faudrait être prudent.

Quant aux dollars, on trouverait peut-être à Paris ce qu'ils étaient devenus.

En fouillant dans la valise de Quéméneur, on a trouvé des papiers mais rien qui nous disait quelque chose sur la vente des voitures. Sauf un reçu pour du liquide , en franc et en dollars. On verrait plus tard. Quand aux promesses de vente de Traou Nez, ça serait pas compliqué de les refaire, et surtout changer le chiffre de l’acompte.

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commentaires

P
J'ai retrouvé ma source: la déposition de Paul Baron le 6/9/23 a été rapportée par Guy Penaud p.67/68 de son livre " l'énigme Seznec "éd La Lauze.
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P
Skeptikos, vous me demandez quelle est ma source pour la déposition de Baron. C'est sa déposition devant le juge Campion le 6/9/23 que j'ai copiée-collée sans retenir la source, n'étant pas historien...Je pense que c'est dans la presse sur Gallica , mais ça peut aussi venir d'un blog. Je ne me souviens plus.
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S
Oui, j'ai retrouvé. La déclaration de baron me parait assez importante pour appuyer le fait que je pense que le corps de Quéméneur a été brûlé dans la chaudière. Locomobile?chaudière d'une machine à vapeur?je m'en contrefiche, puisqu'il semble bien que les deux existaient sur place. Ce qui compte, c'est que dès le mois de septembre, la presse titre , avec des points d'interrogations, que le corps aurait pu être brûlé à Traoun ar Vilin. La rumeur donc existait déjà, et Le Saout n'a fait que recueillir des éléments de cette rumeur. Cette rumeur ne pouvait provenir que des voisins qui n'étaient pas que des jaloux.
M
Deposition de Paul Baron 3/9/23<br /> <br /> "Le lundi 28 mai vers 7 heures du matin, je vis dans la cour, près de la chaudière, la Cadillac. Dans l'après-midi du 30, Seznec vint me dire qu'il allait allumer le feu dans la machine à vapeur et il me demanda de vider les cendriers. Comme je ne pouvais pas le faire immédiatement, il s'en occupa lui-même. Je ne sais pas où il a porté les cendres. Lorsque j'eus fini mon travail, j'allais aider seznec. Il me dit d'enlever les grilles, Pour cela, je devais entrer dans le corps de la machine. Lorsque j'y pénétrai, je fus gêné par une chaleur très grande. Je ne comprends pas pourquoi cette machine était si chaude."
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S
Bonjour Mp<br /> J'ai retrouvé dans le Radical du 2.09.1923, cette même information. Pourriez vous me donner la source de cette déposition ? <br />
B
Il n'y a aucun sous-entendu, je porte seulement à la connaissance de vos lecteurs le témoignage de Gourvil qui fait que me paraît peu crédible une agression sexuelle à 10h du matin , dans une salle à manger qui donne sur une cour où jouent deux enfants, et alors que la bonne est dans la cuisine à l'autre bout du couloir. Tout cela est abracadabrantesque, même si c'est la thèse que j'ai défendu en 2015. En tous cas une agression sexuelle suffisamment grave pour justifier que la seule défense soit un coup mortel. Je vous dis ce que j'en pense si toutefois j'y suis autorisée!
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B
Objection votre Honneur :<br /> http://www.affaire-seznec.byethost22.com/?p=403#comment-168
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S
Comme souvent, je ne comprend pas votre intervention: trop d' éllipses ou trop de sous entendus ? <br /> Ne vous donnez pas tant de peine, je connais très bien le blog de Seznek mais ne vois pas pourquoi vous faite ici référence à l'anecdote de Gourvil.
B
Jean Yves Seznec aurait dit que c'est un marchand de charbon qui aurait aidé à dégager le corps. Celui-là (De Jeaguer) qui aurait causé de gros ennuis à Quemeneur. Je ne vois pas le duo en aube et en étole aller enterrer le CG à l'autre bout de la Bretagne. L'un a fourni la chaudière et l'autre le charbon !
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B
Pff! Votre scénar a des airs de vrai, bien plus que les témoignages des petits-fils! mais personne ne veut vous croire! pas de dollars, pas de voyage, pas de chaudière,.. Finalement moi je crois que c'est une vulgaire affaire de cocufiage et de vengeance (très bien élaborée) du cocu! Je retourne à ma poésie§ Eh! Oui! et pourtant, croix de bois , croix de fer , si je mens ,je vais en enfer, je ne suis pas l'autre psychologue-poète que j'ai découverte grâce à madame Langellier et dont j'apprécie l'écriture poétique. ...Puisqu'on veut introduire un esprit de chapelle, je ne suis ni sectaire, ni Mata-hari. Je crois que les rats de bibliothèque manqueraient de fromage si on leur enlevait leur os à grignoter...Mais d'un autre côté ils n'ont pas tort de chercher...
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B
Ben oui, tiens, les dollars je les voyais dans le coffre de Ker Abri. Mais c'est bien sur, c'est dans les coffres de la BPC ,150 Rue du Maine qu'is ont fini leur course!
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